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jeudi 24 décembre 2015

Lexxus Legal en interview : ‘’Kongo Bololo ne prône pas l’insurrection’’

Alors que le climat politique demeure de plus en plus délétère dans le pays, Lexxus Légal, figure emblématique du Hip Hop congolais, remue, une nouvelle fois, la sphère du rap conscient à travers sa nouvelle chanson Kongo Bololo. Un titre tiré de son nouvel album ‘Leop’Art’,  Kongo Bololo est une lettre ouverte dans laquelle le rappeur tape du poing sur la table et dénonce la duplicité dans le système politique congolais. Et même en dehors du beat, l’artiste est toujours déterminé à mettre à nu cette fourberie qu’exercent nombreux de nos élus politiques. Ce qui l’a d’ailleurs poussé à nous accorder une interview exclusive autour de cette fameuse chanson qui se partage déjà en grande quantité sur internet.

Pourquoi avez-vous choisi comme titre  Kongo Bololo ?
Au départ, la chanson s’appelait la vraie démocratie. Mais juste après réflexion, mes collaborateurs m’ont proposé le titre Kongo Bololo  parce qu’ils estimaient que ce dernier relatait l'état d'esprit de la chanson.
Ça la rend plus facile à être assimilée par la population car son contenu jongle entre le français et le lingala de la rue. Et c’est pour ça que ce titre a été retenu.

Qu’est-ce qui vous a incité à écrire cette chanson ?
C’est ce qui m’a toujours poussé à écrire tous mes albums. En réalité, je ne fais que le même album tout le temps. Sauf que, comme tout humain, chaque année mon âge augmente et ma façon d’analyser les choses devient pertinente. Donc, l’album d’où la chanson est tirée est un album de l’heure.
Il n'est pas forcément cousu comme ceux qui sont à la mode. Alors voir qu’aujourd’hui l’actualité congolaise est dominée par cette problématique des élections c’est justement pour ça que j’ai fait cette chanson pour marquer le temps.

C’est donc la présente crise politique qui vous a beaucoup plus poussé à écrire cette chanson ?
Non mais le pays est en crise politique depuis très longtemps. Depuis les années 60, le pays est en crise perpétuelle.
Mais voilà que jusqu'à aujourd'hui, très peu des hommes politiques sont à la hauteur.
Nombreux se comportent toujours comme des gouverneurs de l'époque coloniale avec la médiocrité des hybrides caracterisée par la culture de l'urgence. Donc écrire un album ou une chanson dans ce sens reste dans la logique de cours de l'histoire de notre pays

Pourtant vous avez déjà eu à dénoncer des abus politiques dans d’autres chansons. Notamment dans POLITIK qui est une chanson que vous avez faite avec Fredy Masamba, Didier Awadi et Steve Mav. Pourquoi refaire encore Kongo Bololo dont le texte a presque une même connotation que celui de POLITIK ?
Evidemment ces chansons parlent presque de la même chose mais tu remarqueras que les axes sont différents. Ce qui est de particulier dans Kongo Bololo c’est le fait de voir que nous avons mis en exergue la souveraineté du peuple. Donc nous y avons montré que c’est le peuple qui est le boss. C’est lui qui donne le pouvoir, qui paie ces ministres, ces députés, etc. Et eux [des politiques] doivent travailler pour le peuple. Ils doivent arrêter de se prendre pour des dieux, ils ont intérêt à écouter la voix du peuple puis s’y soumettre.

Donc cela veut dire que Kongo Bololo s’inscrit dans le cadre du combat que mènent déjà d’autres groupes, entre autres la CENCO, le G7 qui militent aussi pour le respect de la démocratie en RDC ?
Dans ma chanson je ne suis pas en train de soutenir qui que ce soit. Je ne parle que de mon art, de ma musique. Je comprends la position de la CENCO et du G7 mais je suis avant tout un artiste.
Je vis dans ce pays au milieu de ce peuple dont moi même je fais parti.
Je parle en mon nom et de ceux qui se reconaissent dans mes propos.
Je ne soutiens personne en particulier si ce n'est l'amélioration de mon quotidien, de celui de mes enfants, de ma commune, de la capitale et du pays.
Bref, dans ce morceau, je soutiens la justice sociale et la bonne marche des institutions.

Quand vous dites, dans cette chanson, que «la vraie démocratie n’est pas au parlement […] elle habite la rue, c’est la rue qui la nourrit. Cela veut dire quoi en réalité ?
Sort dans la rue et pose, aux passants, la question de savoir ce que c’est le rôle d’un député. Tu verras que nombreux ne le savent pas. On les appelle même ‘honorables’, une appellation qui devrait être bannie depuis longtemps si ça ne dépendait que de moi. Ces gens là, qui forment l’assemblée nationale, nous ramènent des t-shirts, promettent de réhabiliter nos routes mais tout ça c’est des conneries. En réalité, leur rôle ne consiste pas à réhabiliter des routes ou construire des ponts. Ça consiste plutôt à légiférer, contrôler l'exécutif, la gestion du portefeuille de l'
Etat et de l'autorité budgétaire point barre. Mais eux, par contre, mentent à la population. Ils nous promettent la lune pour avoir nos voix et discutent de leurs émoluments une fois qu’ils seront au parlement. Bref ils n’incarnent pas la démocratie.


Vous pensez quoi de ceux qui considèrent Kongo Bololo comme une chanson au contenu insurrectionnel et anti-gouvernant?
C’est des foutaises ! Kongo Bololo ne prône pas l’insurrection d’une manière ou d’une autre. C’est plutôt une chanson d’éveil. Elle interpelle ces élus politiques pour leur dire qu’ils doivent faire très attention car le peuple a tout compris, comme a chanté Tiken. Qu’ils sachent que Le peuple de 2006 et de 2011 n’est pas le même que celui de 2016 qui arrive bientôt. Et que cette fois le peuple va jouer pour ses intérêts. Donc il ne choisira plus en fonction d’ethnie ou d’un parti politique. Il a maintenant l’œil ouvert.

Pourquoi avez-vous distribué gratuitement Kongo Bololo sur internet en ayant gardé d’autres chansons jusqu’à la vente officielle de l’album en streaming?
Les gens pensent que c’est gratuit parce qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir donné un sous. Mais en réalité ce n’est pas gratuit. Le téléchargement libre de cette chanson c’est une nouvelle forme du modèle économique. Déjà après chaque téléchargement, notre serveur enregistre le nombre de gens qui téléchargent la chanson grâce à leurs adresses e-mails qu’ils y laissent. Cela nous permettra d’estimer le nombre limité des CD qui seront distribués à ceux qui seront prêts à nous payer sur le champ.


Par Will Cleas Nlemvo

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